Constats
Le territoire de Sarre Moselle est un bassin de vie qui s’ignore. Situé de part et d’autre d’une frontière héritée de l’histoire entre une Sarre allemande et une Moselle française, ce territoire connait malgré tout de fortes interdépendances démographiques, économiques et culturelles qui génèrent des mobilités intenses en son sein. Or l’organisation de ces mobilités pâtit encore d’effets « frontières » tant entre les administrations nationales qu’entre les différents échelons institutionnels aux responsabilités morcelées et aux décisions souvent mal coordonnées.
Dans le domaine des mobilités, une telle situation explique que les alternatives à la voiture individuelle soient si peu compétitives et donc, dans les faits, largement marginales. Dans un contexte de transition climatique et d’effacement des frontières intra-européennes, il apparait crucial et urgent d’organiser les mobilités autrement que ce que l’on a connu jusqu’à présent.
Fruit de l’histoire industrielle et minière du territoire, un vaste réseau ferroviaire demeure sous-utilisé lorsqu’il n’est pas simplement abandonné. Il constitue cependant une formidable opportunité pour structurer le territoire autour d’une desserte performante et attractive tant pour renforcer sa cohésion que pour s’ancrer dans le réseau des métropoles européennes.
Enjeux
Pour les habitants qui vivent en Sarre Moselle comme pour tous les européens à qui des objectifs drastiques de limitation de gaz à effet de serre devraient s’exercer, les besoins de transition notamment des mobilités du quotidien sont prégnants et encore largement ignorés.
L’enjeu suppose donc d’offrir dès à présent des solutions crédibles, soutenables afin de rendre lisible la trajectoire collective. En parallèle des contraintes de transitions climatique et énergétiques s’exerce une contrainte budgétaire ainsi qu’un besoin d’équité sociale et territoriale afin de rendre la contrainte supportable voire souhaitable par tous. C’est pourquoi les solutions doivent être à la fois économiques, pratiques et utiles à une grande majorité.
Principes
La voiture est aujourd’hui le mode de transport dominant sur le territoire de Sarre Moselle : les offres de transports publics pêchent par un défaut d’attractivité tandis que les mobilités actives si souvent vantées demeurent une réalité largement abstraite pour les habitants.
Revaloriser les infrastructures ferroviaires existantes permettrait d’organiser des offres de transport collectif véritablement attractives pour l’essentiel des déplacements de moyenne distance, aujourd’hui, captifs de la voiture. Transformer l’usage des voiries existantes rendrait les bus plus performants et encouragerait les mobilités actives, ce qui constituerait de fait une véritable alternative pour tous les déplacements de proximité.
Propositions pour le volet « ferroviaire »
Situation actuelle
Concept général
Le tram–train de Sarrebruck, ligne S1 de la SaarBahn, relie toutes les demi-heures Sarrebruck à Lebach et Sarreguemines en empruntant à la fois des infrastructures de tramway urbain dans Sarrebruck, de tramway périurbain vers Lebach ainsi qu’une voie ferrée jusque Sarreguemines.
Sur ce même principe, plusieurs autres lignes pourraient être déployées sur le territoire de Sarre Moselle afin de constituer un réseau transfrontalier, cohérent et maillé connectant de manière fluide Sarrebruck, Sarreguemines, Forbach, Saint Avold, Stiring-Wendel, Cocheren, Creutzwald, Freyming-Merlebach, Farébersviller, Petite et Grande-Rosselle, Volklingen…
Pour être attractif et économique à exploiter, un cadencement serait instauré de sorte que chaque ligne du réseau soit exploitée à une fréquence de 30 voire de 15 minutes, avec des troncs communs renforcés par la superposition de lignes. L’amplitude de service devrait atteindre 5h – minuit toute l’année, avec des prolongations de nuit par exemple les weekends.
L’électrification des lignes non encore équipées devra être menée pour rendre le service le plus décarboné possible tout en permettant l’exploitabilité technique des liaisons envisagées.
De plus, certaines extensions du réseau pourront être réalisées par des infrastructures de type tramway urbains, comme au centre de Sarrebruck, pour relier des secteurs trop éloignés des voies ferrées (Saint Avold, Creutzwald, Morsbach) ou encore pour renforcer le maillage du réseau dans certains secteurs stratégiques (Vieux Sarrebruck, Forbach, Freyming-Merlebach).
Les matériels roulants devront donc pouvoir circuler tant sur le réseau ferré français (25kV 50Hz) et allemand (15kV 16,7Hz) que sur des lignes urbains (750V cc) par ailleurs dotées d’un gabarit urbain (2,65m de large). A défaut de matériel totalement polyvalent, le réseau pourrait être exploité par deux types de matériels, l’un apte à la circulation ferroviaire en France (25kV + 750V), l’autre en Allemagne (15kV + 750V) et tous deux pouvant cohabiter sur les sections urbaines.
Au-delà des gares existantes, plusieurs stations pourront être créées pour multiplier les points d’accès et faciliter la desserte des zones urbaines et des équipements générateurs de trafic (hôpitaux, administrations, zones commerciales, d’emplois et de loisirs).
La tarification devra être simple pour encourager un recours facile et spontané par tous les publics et engager un report massif de la voiture vers les mobilités collectives et actives.
Proposition pour une mise en œuvre progressive
Situation actuelle de la SaarBahn (2020)
L’exploitation de la ligne S1 de la SaarBahn est composée de 4 missions permettant d’assurer une desserte toutes les 30 min de Lebach et de Sarreguemines, et toutes les 7,5 min à travers le centre de Sarrebruck par superposition de services partiels. Chaque trait représente un service cadencé aux 30 minutes en journée, et 60 min le soir.
En gris : desserte TER existante.
En pointillés : ligne non-exploité.
Concept de court terme (2022)
La mise en place de services cadencés sur l’ensemble des branches du réseau ferré exploité, en utilisant les trains classiques actuels, permettrait de relier
- toutes les 15 min. Sarrebruck, Forbach, Béning
- avec des prolongements vers Saint-Avold et Faulquemont (ligne S3), vers Freyming-Merlebach et Creuzwald (S2),
- et une liaison Sarreguemines-Béning-Freyming (ligne S4) desservis toutes les 30 min
Concept de moyen-terme (2024)
De premières portions tram seraient mises en service pour transformer les lignes S2 et S3 en tram-train et accéder au centre-ville de Sarrebruck. De nouvelles stations seraient aussi créées à Forbach, tandis que des prolongements tram relieraient les zones urbaines de Creuzwald et de St-Avold. Electrifier la voie entre Béning et Sarreguemines permettrait d’améliorer de faire évoluer la ligne S4 en tram-train et aussi d’accueillir des TER électrifiés.
Concept long terme (2030)
Une fois établies les bases du réseau de tram-train autour des lignes exploitées, de nouvelles liaisons pourraient être envisagées en réouvrant les portions de voies ferrées désaffectées, de Völklingen à Forbach via Petite Rosselle notamment.
D’autres branches pourraient aussi être converties au tram-train sur le réseau allemand, à l’est et à l’ouest de Sarrebruck. La ligne S3 pourrait enfin évoluer en circulaire reliant Forbach, Sarrebruck et Sarreguemines (supposant un raccordement à aménager à l’est de la gare de Béning).
Premier aperçu des aménagements nécessaires
Scénario cible
Secteur de Sarrebruck
La création du réseau devra tenir compte des contraintes d’exploitation du nœud ferroviaire de Sarrebruck. A terme, une nouvelle portion de tram pourra être créée pour desservir le Pingusson Bau, le Vieux Sarrebruck et le secteur de la Messe, en s’implantant sur les emprises de l’Autobahn reconverties en boulevard urbain apaisé. Les lignes vers Volklingen et vers Forbach emprunteraient ces nouvelles infrastructures.
Secteur Forbach
Réutilisation privilégiée des infrastructures ferroviaires existantes entre Forbach et l’entrée de Sarrebruck (noir).
De nouvelles voies de tram urbain (rouge) seraient créées pour se raccorder aux voies de la SaarBahn S1 (orange) et desservir le vieux Sarrebruck.
De nouvelles stations (rouge) seraient créées aussi bien sur les sections urbaines que ferroviaires du réseau.
Secteur Freyming et Béning
Les trains circuleront dans un premier temps sur les seules voies ferrées existantes, mais des portions de tram seraient progressivement créées pour desservir finement Morsbach, Cocheren, Merlebach (par les emprises de l’autoroute), et pour relier St-Avold (hôpital et centre-ville) et Creutzwald. Des voies vers Völklingen via Grande-Rosselle et Marienau seraient aussi reconstituées.
Comments are closed