La métropole lyonnaise, seconde agglomération de France, constitue un territoire stratégique pour la réussite de la transition énergétique et écologique. Or si les enjeux de mobilité sont omniprésents dans la campagne des Municipales de mars 2020, les projets et propositions formulées par les candidats traduisent davantage une course à la surenchère d’investissements qu’à une planification mesurée et résiliente du territoire et des mobilités.

Parmi les projets avancés figurent l’idée de mettre en place un « RER à la lyonnaise », parfois connu sous l’acronyme REM pour « Réseau express métropolitain ».

Il s’agirait d’utiliser plus intensément le potentiel du réseau ferré existant pour se déplacer au sein de la Métropole. Bien souvent en France, et à Lyon en particulier, les infrastructures ferroviaires existent mais les dessertes proposées actuellement ne répondent pas aux besoins, soit parce que les fréquences des TER sont trop faibles, que les gares ne sont pas assez nombreuses, qu’elles ne sont pas assez maillées avec d’autres réseaux de transport, ou que tous les trains terminent leur service dans une gare centrale (Lyon Part Dieu ou Lyon Perrache) alors qu’il serait souhaitable de pouvoir traverser l’agglomération de part en part.

C’est à ces griefs que cherche à répondre un projet de RER : proposer une offre fréquente, continue tout au long de la journée (y compris en heure creuse), mais aussi tôt le matin et tard le soir voire la nuit. L’enjeu est bien de ne plus cantonner le train aux seuls besoins d’une infime partie des déplacements domicile-travail, mais au contraire de construire une offre étendue, efficace, attractive, qui puisse répondre à la diversité des besoins de mobilité d’une grande agglomération, servir de réelle alternative à la voiture individuelle et mettre fin à l’étalement urbain qu’elle induit.

Or les esquisses de projets présentées au public sont loin de répondre à tous ces enjeux.

Du côté de SNCF Réseau, le projet de désaturation du Nœud ferroviaire lyonnais (NFL) présenté en débat public en 2019 vise à accroître la capacité d’accueil de TER et de TGV traversant l’agglomération du nord au sud.

Pour cela, il est envisagé de réaliser deux voies nouvelles (en surface ou en tunnel) entre St Clair, Part Dieu et Guillotière, à doubler la ligne Lyon – Grenoble jusqu’au raccordement de la LGV, et à étendre la gare de Lyon Part Dieu potentiellement en souterrain. Le coût annoncé d’un tel projet dépasserait les 3 milliards d’euros, et le délai de mise en service s’étalerait au-delà de 2035.

Tout cela sans rechercher de synergie avec le réseau de métro existant.

Le SYTRAL étudie quant à lui de nombreux prolongements de métro sous forme traditionnelle donc essentiellement en tunnel, ce qui impliquerait des coûts d’investissements considérables et des horizons de mise en service étalés entre 2030 et 2050.

Parmi ces projets, la création d’une ligne E ouest-est entre Alai et Bellecour, avec un éventuel prolongement à la Part Dieu et vers l’est lyonnais, des prolongements de la ligne B au nord vers Caluire et Cuire, de la ligne A à l’est vers Meyzieu et le grand stade, ou encore des bribes d’extensions des lignes C et D d’une ou deux stations.

Tout cela sans rechercher de cohérence avec le réseau ferré existant.

Ces perspectives semblent largement en décalage avec les besoins de l’agglomération lyonnaise et les temporalités de transition à mettre en œuvre. En effet, ces projets isolés traduisent une absence d’approche globale à même d’organiser à brève échéance un réseau de transport ferré structurant adapté à l’échelle du bassin de vie du Grand Lyon, donc à l’échelle de l’aire urbaine, sans engager des projets lourds, coûteux et inadaptés aux besoins. Cela révèle aussi un problème de gouvernance classique, car ces projets résultent directement des périmètres d’intervention et de maîtrise d’ouvrage de ces acteurs.

Pourtant, une approche alternative serait possible et hautement souhaitable. Elle consisterait à :

  1. Identifier les leviers permettant de développer fortement l’usage des différentes branches de l’étoile ferroviaire lyonnaise sans pour autant accroître la saturation du cœur du réseau ferré, qui doit prioritairement servir à accueillir les dessertes de long parcours (TGV nationaux et internationaux, Intercités, TER, Fret). Résoudre cette « quadrature capacitaire » suppose d’isoler tant que possible :
    • les services périurbains (REM) qui nécessitent des fréquences élevées (bien au-delà de la fréquence 30 minutes possible aujourd’hui) et des arrêts rapprochés (donc en réservant la possibilité d’ajouter des stations intermédiaires),
    • des liaisons grande distance (TGV, IC, TER) qui appellent des vitesses élevées et des arrêts espacés.
  2. Élaborer un plan cohérent reposant sur la mise en œuvre de prolongements conséquents du métro lyonnais pour en faire le REM structurant de la Métropole de Lyon, plutôt que de réaliser deux réseaux distincts :
    • d’une part un REM intégralement sur le réseau ferré actuel, supposant de réaliser de nouvelles traversées ferroviaires souterraines à travers le cœur d’agglomération, comme ce fut le cas à Paris et comme le préconise SNCF Réseau dans ses études du NFL,
    • d’autre part d’étendre à petits pas mais à grands frais le métro par de nouveaux tunnels.
  3. Prioriser les prolongements du métro « économiques » donc réalisables sur des infrastructures existantes et/ou en surface :
    • soit sur des voies ferrées isolées en remplacement des dessertes actuelles (comme le réseau de l’Ouest lyonnais),
    • soit le long de voies ferrées bridées ou sous-utilisées en raison de la contrainte capacitaire du cœur du réseau ferré,
    • soit au besoin sur des infrastructures autoroutières vouées à être déclassées et transformées en boulevards urbains.
  4. Repenser et optimiser l’actuel métro pour lui permettre de devenir l’infrastructure de base du REM. Cela passe notamment par une refonte des lignes pour améliorer leur maillage et leur linéarité. A titre d’illustration, l’actuelle ligne A serait refondue en une ligne structurante ouest-est pour pouvoir être étendue vers l’est jusque Lyon St Exupéry (via la Part Dieu et les voies du Rhône-Express), et vers l’ouest jusque Lozanne (via les voies du tram-train de l’Ouest lyonnais). La portion Hôtel de Ville – Perrache serait intégrée à la ligne C devenant un axe nord-sud, et la section Charpennes – Vaulx-en-Velin serait reprise par la ligne B en une ligne nord-est/sud-ouest.

Les vidéos ci-dessous permettent de visualiser les étapes possibles pour transformer l’actuel métro de Lyon en REM du Grand Lyon.

Proposition d’évolution du Métro en REM lyonnais – Vision à l’échelle du cœur métropolitain (réalisation : Pierre Helwig)
Proposition d’évolution du Métro en REM lyonnais – Vision à l’échelle du Grand Lyon (réalisation : Pierre Helwig)

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